LE DIEU FUDÔ
ET MA PEINTURE
Kazuo
Shiraga
Pour
moi qui suis à la fois peintre et moine bouddhiste, Kannon
(Avalokitésvara) et Fudô sont les deux divinités
que je révère par-ticulièrement.
Kannon incarne la miséricorde du Bouddha ; elle symbolise
ce que les chrétiens appellent l'Amour.
Avec son dos embrasé d'un feu impétueux tandis que
la mer tour-billonne à ses pieds, Fudô veut éteindre
les flammes de la haine et de la colère humaines. Armé
d'un glaive dans sa main droite, doué d'une force gigantesque,
il tient, en arrêt le mal venu des hommes; sa main gauche
serre une chaîne avec laquelle il capture les méchants
pour, les remettre sur la voie du bien. Car telle est la nature
humaine, où le bien comme le mal sont inscrits: les hommes
se faufilent sur le passage étroit qui sépare le bien,
- le paradis du Bouddha, du mal, - l'enfer.
Lorsque je me suis engagé dans la foi bouddhique, au bouddhisme
Zen qui par la méditation conduit au nirvana, j'ai préféré
le bouddhisme Tantrique en ce qu'il libère le monde intérieur
de l'homme jusque dans ses tréfonds. Si la divinité
principale, -l'objet de la foi et de la prière -est dans
le bouddhisme Tantrique Daïnichi Buddha (Mahavairocanasatathagata),
c'est Fudô qui est au centre du rite Homa, où sont
allu-més les feux.
Fudô dégage une force virile qui exerce sur l'homme
un effet puissant. J'ai acquis la conviction que cette divinité,
quand je la prie, m'accorde de peindre des uvres fortes.
Avant d'entamer l'acte de peindre, j'invoque Fudô. Lorsque
je peins, je prie pour devenir moi-même le dieu Fudô,
et la divinité venant emprunter mon corps, l'uvre s'accomplit.
Cette croyance m'accompagne durant toute la création.
Le bouddhisme Tantrique en libérant l'énergie potentielle
de l'homme, exerce sur lui une action, et développe ses dons.
Je n'ai pas pour ma part la capacité d'at-teindre à
ses arcanes. Cependant, à travers la méthode de peinture
avec les pieds, je crois être parvenu à un état
qui en est très proche.
Traduit
du japonais par Agnès Takahashi
|