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L'Art Gutai sur la scène

YOSHIHARA Jiro, juillet 1957


Je me demande si on a jamais considéré comme " art ", des œuvres de scène. L'art forme certes une partie importante du théâtre mais on constate presque toujours que l'art en tant qu'art y est relégué au second plan. Les membres de l'association d'Art Gutaï sont partis de cette considération. Ils ont abandonné le concept traditionnel d'art et ils ont voulu affronter résolument les problèmes propres à l'espace scénique, à sa fonction, à ses relations avec la musique, l'éclairage, la durée. L'Association d'Art Gutaï s'est toujours portée à l'avant-garde et a toujours avancé des idées nouvelles propres à stimuler l'imagination. Ainsi ce projet amènera-t-il à se poser de nouvelles questions, à la fois dans le domaine de la scène et dans celui de 1'"art pour l'art".

L'idée en germa dans mon esprit lors d'une exposition en plein air qui s'est tenue en été voici un an. C'était toute une aventure pour les artistes que d'abandonner le concept traditionnel d'exposition en lieu clos, considéré jusqu'alors comme la seule façon possible de montrer leurs œuvres et d'utiliser soudain le vaste monde comme lieu scénique, avec, au dessus, le dôme infini du ciel bleu. Pourtant, le fait de devoir tirer parti de ces conditions semble avoir éveillé remarquablement l'esprit pionnier des artistes.

L'idée d'utiliser la scène fut reprise ensuite. Mais c'était difficile sur le plan matériel et il y eut de nombreuses discussions préalables. Bien que de nombreuses améliorations aient été apportées depuis un an, nous n'avons pu mener vraiment le projet à bien. C'est pourtant vers cette époque que fut mise au point la musique Gutai de SHIMAMOTO Shozo, tandis que TANAKA Atsuko préparait ses costumes de scène. L'œuvre de fumée de MOTONAGA Sadamasa, créée à cette époque, fut également mise en réserve dans l'idée qu'elle serait plus appropriée à la scène. On voit que ce projet ne fut nullement bâclé et qu'il fallut au contraire beaucoup de temps et d'efforts pour présenter efficacement chacun des aspects de notre activité artistique.

Les vues fixes de YOSHIHARA Michio et les films en couleurs de YAMASAKI Tsuruko naquirent de ces différentes idées nouvelles et furent conçus pour être projetés sur un écran placé sur le scène. La volonté d'affronter la scène librement et crûment s'exprime de façon très violente dans une œuvre comme celle de SHIRAGA Kazuo. L'élément le plus spectaculaire en est l'irruption sur scène des dessinateurs masqués et gesticulant. KANAYAMA Akira présenta un énorme ballon qui se gonfle jusqu'à remplir la scène entière. SHIMAMOTO Shozo, en plus d'une musique originale, relia une construction des plus simples, le geste pur, à la violente émotion née de la destruction de l'objet. YOSHIDA Toshio rechercha un effet aléatoire à partir des ombres horizontales dessinées par l'éclairage et les infrastructures de scène .

Parmi les œuvres se trouvent celles de MURAKAMI Saburo, SUMI Yasuo et NAKAHASHI Koichi qui semblent uniquement servir à montrer le processus de leur propre création. Ce qui veut dire, surtout, qu'on les présente telles qu'elles doivent être vues sur une scène. Elles n'appartiennent à aucune des catégories de l'art traditionnel.

L'art scénique dans son acception moderne a récemment suscité de nouveaux problèmes et fait naître de nouveaux défis.

Je serai très heureux si le travail de l' A.A.G . peut contribuer à éliminer de l'esprit humain les techniques, les habitudes et la lourde insistance du romanesque, accumulés jusqu'à présent sur la scène.

juillet 1957. Traduction française Robho